Presque quatre mois maintenant que je suis ici, à Rikers. Dans à peu près un mois j’aurais le droit de demander une liberté conditionnelle. Sauf que ça se prépare et pour cela je vais avoir besoin de mon avocate. J’ai donc profité d’un de mes appels autorisés pour prendre un rendez-vous avec elle. J’ai attendu notre entretien avec une certaine impatience, déjà pour savoir si elle pense que j’obtiendrais ma conditionnelle, mais aussi pour lui parler. C’est rare les personnes qui nous voient comme des humains et non pas juste comme des détenus. Alors c’est avec un certain sourire que j’entre dans la pièce où elle m’attend. J’attends que le gardien me retire les menottes avant de me diriger vers elle en lui tendant la main. Bonjour, maître. Je suis content de vous voir. Vous allez bien ?

Je vais plutôt bien vue les circonstances. Je ne sais pas vraiment si elle sait ce qu’il s’est passé il y a un peu près un mois, mais hormis une petite cicatrice je n’ai plus de trace de mon agression. Je lui désigne la chaise sur laquelle elle était assise avant mon arrivée. On s’assoie ? Je l’accompagne alors vers la table et m’assoie sur la chaise en face. Bon on commence par quoi ? La dernière fois que j’étais ici j’ai fais les cinq ans que j’avais pris. Alors je sais pas vraiment comment on prépare à ça ? J’essaye de me montrer détendu alors qu’au fond je suis pas vraiment confiant.

Manger ? Le plus fou c’est qu’elle ne se moque pas de moi. Elle pose un sac de fastfood devant moi et le pousse dans ma direction. Merci beaucoup. C’est vrai que ça va me changer. Mais si vous voulez taper dedans allez-y. Je me sers déjà comme elle sort un papier de son sac. Elle m’explique alors les étapes à suivre pour pouvoir faire une demande de conditionnelle. D’accord. Mais vous m’aiderez pour la lettre ? Du moins vous pourrez me relire ? Disons que je ne suis pas le meilleur quand il s’agit d’écrire. J’aurais bien d’autre question, mais avant cela je voudrais lui demander autre chose. Vous avez entendu parler de mon passage à l’hosto ? après mon agression je veux dire…

Vous expliquez ? Bah il n’y a pas grand-chose à dire. J’ai été agressé pendant les émeutes, par un gars avec qui je m’étais battu lors de mon dernier passage ici. J’avais le nez cassé, un œil au beurre-noir et un trauma crânien léger. Je tape encore dans le repas qu’elle m’a apportée en la laissant prendre note de ce que je viens de lui dire. Mais ce n’est pas le plus grave, ou le pire, ou je sais pas comment dire. En tout cas j’ai eu des infos comme quoi des mecs dehors pensent que j’ai balancé et ils veulent me le faire payer. En gros il va y avoir un contrat sur ma tronche. Et ça c’est moins cool je dois dire. Alors que j'ai justement rien balancé pour éviter ça...

Bien sorti ? Sans doute. En tout cas je secoue la tête comme elle me propose de demander à me faire changer de bloc. Pas besoin, puis si j’obtiens la liberté conditionnelle je serais tranquille. Je fini rapidement le cheesburger et les frites tout en l’écoutant. Sauf que quand elle parle de la protection des témoins je redresse vivement la tête. Ouais pas le bon plan, parce que je refuse de balancer, je suis pas comme ça. Enfin bref, on va pas parler de ça, je suis contre, point. J’aimerais surtout savoir ce que j’aurais besoin de faire exactement si je sors. Quelles seront mes obligations ?

Malheureusement je dois reconnaitre qu’elle a raison. Il y a un risque pour qu’on ne me l’accorde pas. Mais je préfère ne pas y penser. Je l’écoute m’expliquer un peu tout avant de reprendre la parole. De toute façon je n’aurais pas le choix, mais qu’est-ce que vous entendez avec la semi-liberté ? Le bracelet je vois, le fait de pas quitter l’Etat aussi, mais ça, j’ai dû mal à saisir le principe. Et puis en ce qui concerne le travail, vous m’aviez parlé d’association qui aide les anciens détenus. Ils aident aussi ceux dans mon cas ?

Non mais pour ce qui est du fait de pas quitter l’Etat, je me doute que c’est pour éviter que je me barre. Le coup de la semi-liberté par contre… c’est clair que cette option serait mieux que rien, mais j’aimerais éviter. Je me colle au dossier de la chaise avant de reprendre. Mais pour ce qui est du travail j’étais videur dans un bar correct, mais les autres… c’était pour le racket surtout. Je peux pas y retourner. Ils me retrouveront à coup sûr. En fait… j’ai peur de me tuer une fois dehors. C’est pas simple comme situation j’en suis conscient, mais quoi qu’il arrive je serais dehors en janvier, donc ça revient au même on va dire. Le seul problème c’est que je vais pas pouvoir avoir d’arme… D’ailleurs, même si j’ai pas l’intention de le faire, mais si je brise les conditions… je me prendrais le reste des quatre ans de sursit que j’ai eu ?

Je baisse la tête comme elle me parle de bêtises. Je sais tout ça, c’est bien ça le pire dans l’histoire. Toujours est-il que je me pose des questions sur la façon dont les choses vont se dérouler. Je réfléchis alors à ce que je pourrais lui répondre quand elle me demande quoi faire comme boulot si je ne veux pas retourner dans les anciens bars. Avant de la laisser me conforter dans l’idée que j’ai pas intérêt à violer ma conditionnelle ou même mes années de sursit. Honnêtement je ne sais pas quoi faire d’autre. Je n’ai aucune idée de ce que je suis capable de faire, si ce n’est tabasser des gens ou exploser des vitrines. Mais je devrais peut-être voir ça avec une des associations ? Ils auront peut-être des idées…

J’aime bien travailler comme videur, c’est le seul truc que je sais faire. Je vais essayer de contacter des lieux qui pourraient chercher un videur, en espérant qu’ils acceptent de prendre des détenus… Je vais en parler avec Ellie aussi… Elle aura peut-être des idées. Je réalise alors que mon avocate n’est pas au courant de ma relation avec Eleanor. Ça risque de la surprendre un peu. Mais je suis sûr qu'elle me posera déjà la question. Vous pensez que je pourrais demander à voir ma fille, au moins sous surveillance ? J’aimerais vraiment la voir, pouvoir lui parler. Ou au moins avoir le droit de faire un test pour avoir une preuve que c’est bien ma fille. Même si j’ai la parole de sa mère.

Demander à mon ancienne patronne, c’est une super idée ça. Vous avez raison je devrais lui demander. Je la laisse finir avant de lui répondre. Disons que Eleanor est un peu plus qu’une amie. Vous savez… les agents du NCIS qui m’avaient interrogé ? Bah c’est comme ça que je l’ai rencontré. Elle cherche déjà comment elle pourra m’aider une fois que je serais dehors. J’avoue que ça m’aide à tenir. Parce que j’ai pas grand monde à part elle. Je bascule un instant la tête en arrière pour réprimer une larme avant de regarder mon avocate à nouveau. Pour ce qui concerne ma fille, bien sûr que je ne veux pas qu’elle me voit ici, c’est pas un endroit pour les gosses.

Je réfléchis à ce que je pourrais lui répondre, mais je ne trouve rien qui mérite d’être dit. Elle a raison et c’est tout. Je soupire et regarde le mur à côté de nous avant de lui refaire face. Vous avez raison, encore une fois. Je me rapproche alors et me penche sur la table. Je me suis un peu égaré, d’abord faut que j’obtienne la conditionnelle. Avant de m’imaginer à ne pouvoir voir ma fille que surveiller de près. Je dois dire pourquoi je voudrais pouvoir sortir donc ? Mais je peux pas juste dire que j’en ai marre d’être en prison. Je ricane un instant avant de prendre mon sérieux. Mais je vois pas quoi mettre dans la lettre. Qu’est-ce qui pourrait me servir sans qu’ils ne me le renvoi en pleine face ?

Je prends le stylo qu’elle me donne et la feuille. Le seul problème c'est qu’elle va se rendre compte que j’ai un peu de mal à écrire. Faut dire qu’à part signer des papiers de temps en temps je n’ai jamais vraiment eu besoin d’écrire. Alors disons que mes lettres sont un peu hasardeuses. J’espère que vous arriverez à me relire. J'ai pas l’habitude d’écrire. Je commence alors à lister les raisons pour lesquels je voudrais sortir de taule. Voir ma fille, changer de vie, profiter de mon couple avec Eleanor, fonder une famille. Enfin un peu tout quoi. Avant de lui rendre la feuille. Je trouve tout de même que mon écriture est horrible et que je devrais prendre des cours. J’ai sacrément honte de moi pour le coup et baisse la tête. Je me sens idiot.

Elle lit mes idées et me fait des propositions pour l’améliorer. Je hoche la tête, elle a raison sur toute la ligne. Heureusement que je vous ai. J’aurais eu du mal à trouver seul. Je la laisse faire la lettre. En attendant je me lève pour me dégourdir les jambes. Je fais les cents pas avant de me réinstaller. Vous pensez que j’aurais une obligation de continuer à avoir un suivis psychiatrique comme ici ? J’espère que ce ne sera pas le cas. J’ai pas envie de devoir voir un psy deux à trois fois par semaine comme maintenant. Je commence d’ailleurs à stresser et j’ai un peu de mal à rester tranquille.