Mon plan était parfait. Bien évidemment, je n'en étais pas particulièrement fier ; après tout, je venais tout juste de sortir de cellule, et voilà que je me remettais à magouiller, au risque de me faire de nouveau pincer et de ne revoir ma fille qu'à sa majorité dans le meilleur des cas… Pourtant, les arnaques étaient encore ce que je savais faire de mieux et il fallait bien manger : je redoublerais de vigilance, voilà tout.

Mon plan cette fois-ci était simple sur le papier, peut être moins dans son exécution : voler un tableau était facile, mais faire un repérage en tant que couple marié tenant une galerie d'art l'était beaucoup moins lorsque la mariée en question vous plantait. Sans associée, mon plan foirait et je n'avais pas trouvé d'autre solution de repli que de recourir aux services de Jessie que je détournerais un peu, ajoutant quelques dollars en fonction de sa demande, si je la jugeais raisonnable…

Assis dans un café, enveloppe destinée à la jeune femme bien au chaud, je réfléchissais à mon speech, celui que j'allais bien pouvoir lui servir pour qu'elle accepte . En attendant la demoiselle, j'avais déjà bu un verre et m'apprêtais à en commander un nouveau lorsqu'elle vint à ma rencontre :

- Salut, moi, c'est Stan. Tu dois être Jessie ? J'ai souri, l'invitant à s'asseoir : j'allais commander un verre, tu veux boire quelque chose ?

Je ne savais pas où cette entrevue allait nous mener, encore moins si cela s’avérerait être l'idée du siècle... Mais je n'avais pas d'autre choix que de continuer dans mes délires tout à fait discutables, cela même que j'avais tenté d'expliquer à la jeune femme qui n'avait sans doute pas compris où je voulais en venir... Et comment lui en vouloir alors que j'étais moi-même incapable de tout expliquer dans les détails? Lui donner rendez-vous ici m'avait en tous cas permis de mieux me préparer à lui répondre en cas d'éventuelle question...

J'ai fini par saluer la demoiselle, l'invitant à s'asseoir alors qu'elle s'approchait de moi incertaine:

- J'allais prendre un whisky est-ce que ça te va ?

Et une fois que la jeune femme m'a répondu j'ai été commander nos verres qui arrivèrent assez rapidement quelques minutes plus tard. J'ai remercié le serveur avant de demander à la blondinette:

- Je sais que je n'ai probablement pas été très clair au téléphone. Je devrais peut être commencer par te réexpliquer plus en détail pourquoi j'ai décidé de faire appel à toi ?

J'avais adressé un sourire à la jeune femme qui m'affirmait vouloir elle aussi un whisky, avant d'appeler le serveur pour lui demander deux verres qui ne tardèrent d'ailleurs pas à tarder. D'abord, j'ai levé mon verre, paraît que c'était d'usage. Et puis je me suis décidé. Parce que plus tôt elle saurait ce que j'attends vraiment d'elle, plus tôt je saurais si j'étais enfin tiré d'affaire. J'ai avalé une gorgée de whisky avant de me pencher en avant accoudé à la table, bras croisés.

- Ok. Alors… écoutes. Y'a un paquet de fric à se faire du côté de Greenwich. J'ai repéré une villa. Un truc monstrueux. Et surtout : qui appartient à ce gars, Victor Finch. Un sombre crétin qui achète toutes sortes de toiles et de pièces d'art à des prix dérisoires. Il n'a aucune idée de la valeur de ses machins ! Seulement voilà. Il vient d'acheter une pièce qui m'intéresse. Alors le plan… c'est d'arriver à rentrer chez lui. C'est pas compliqué, il est trop fier pour refuser l'accès à qui que ce soit. Il veut montrer ses aquisitions, surtout à des collectionneurs d'art. Parfois, il leur revend quelques unes des pièces dont il s'est lassé. L'idée, c'est qu'on se fasse passer pour un couple de collectionneurs venus de loin pour voir sa collec. Retenir son attention un instant, juste le temps nécessaire pour que le second de nous deux aille récupérer le singe bleu ; une pierre à la valeur inestimable. Et après… on se barre.

Sur le papier, c'était simple. Mais je savais aussi que Finch avait des tonnes de gorilles, dehors.

Assis face à la jeune femme, j’attendais impatient, de savoir si elle accepterait. En réalité, j’avais peur du contraire : elle était ma dernière chance ; sans quoi je devrais changer de plan. Ce qui voudrait donc dire : repousser la transaction prévue avec mon client. J’ai haussé les épaules, fronçant les sourcils, et j’ai avalé une gorgée de mon verre : eh bien… j’pensais que tu pourrais retenir l’attention ? Et puis on verra sur place ; mais si d’autres pièces sont à portée de main : on hésitera pas ; ça fait du beurre dans les épinards !

J’ai adressé un clin d’oeil à la jeune femme à qui j’adressais un sourire carnassier. Pour ce genre de gros poisson, je n’avais aucune pitié. Ils étaient stupides et superficiels ; je détestais ce genre de types. Une main caressant mon menton, signe de réflexion intense, j’ai fini par lui proposer :

-20 %. 30 si l’on est amenés à collaborer de nouveau ensemble. T’en dis quoi ?

En lui faisant cette proposition, je tentais de protéger mes arrières pour d’éventuelles nouvelles arnaques. J’en avais quelques unes sur le feu, et la jeune fille pourrait éventuellement m’être utile, si ça la bottait : qui n’avait jamais eu envie de frisson dans sa vie ?