Depuis quelques jours j'avais été contraint de me résoudre à accepter de prendre des vacances après tout mon supérieur ne m'avait guère laissé le choix et avec le recul je ne pouvais que me rendre à ses arguments, il avait raison, à force de me faire tirer dessus j'allais finir par y laisser ma peau. D'une certaine façon c'était peut-être là mon désir inavouable le plus ardent mais bon tout ceci se doit de demeurer entre moi et la psychologue mise à notre disposition par le service. À force de demeurer chez moi je commençais à perdre l'esprit, il faut dire que je n'avais de cesse de me questionner et de ressasser ces souvenirs qui ne pouvaient que ressusciter mes vieux démons.

Terroriser et effrayé par mon impuissance face à l'ampleur de la situation je me levai d'un trait afin de sortir de mon lit et rapidement je gagnai la salle de bain afin de me glisser sous la douche. Songeur je me savonnai machinalement sans trop oser réfléchir et puis sortant de la cabine je m'empressai de me sécher afin de retourner vers ma chambre m'habiller. Enfilant un jeans, ainsi qu'une chemise j'enfilai ma veste de cuir et je fis signe à Spike – mon gros berger allemand – de venir me rejoindre … l'heure de la balade était arrivée.

Spike ne tenait pas en place, il semblait plutôt fébrile à l'idée de prendre l'air, si bien qu'il semblait être celui de nous deux qui était le plus en contrôle de la situation alors que je peinais à contenir son enthousiasme. Arrivé à destination je décidai donc de le relâcher et puis l'ayant laissé s'amuser je m'adressai à lui, d'un ton ferme, afin de lui faire comprendre que le temps était maintenant venu de se calmer et de venir s'allonger à mes pieds alors que je venais de me poser sur un banc.

Mon travail me demandait de passer beaucoup plus de temps à la caserne que je pouvais en passer chez moi. Mon horaire de cette semaine me contraignait à faire des chiffres de nuit. Certes, nous avions beaucoup moins de travail la nuit et il nous était même permis de dormir si nous n'avions pas d'appel, toutefois, pendant ce temps, mes braves bêtes m'attendaient à la maison. Ce matin, j'étais rentrée chez moi tout de même reposé malgré que je n'avais pu dormir que la moitié de la nuit. Contrairement à moi, les deux goldens retrievers débordaient d'énergie et ne demandaient qu'à aller à l'extérieur. Malgré le temps frais du printemps, aujourd'hui serait une journée ensoleillée et il ferait bon d'être au grand air. Trouvant les laisses, je décidais qu'une petite sortie au parc à chien serait de mise pour eux tout comme pour moi.

Depuis mon déménagement avec Liam, j'habitais un peu plus loin en banlieue de la ville. Toutefois, je gardais mes vieilles habitudes et prenais même l'auto pour me rendre dans mon quartier d'autrefois. C'est là que ce trouvait le parc à chien que nous avions tous les trois l’habitude de fréquenter.

Quand j'entrais dans le petit parc clôturer, je me penchais et libérait immédiatement mes deux fous. Sans changer ses habitudes, Julius partait à la course et se ruait sur les autres chiots tandis que César allait renifler les buissons. Pour ma part, même en gardant un oeil sur mes enfants, je regardais les alentours à la recherche d'une personne en particulier. Non loin de moi, il s'était installé sur l'un des bancs. Il adoptait une pose détendu et je le reconnaissais bien par son style vestimentaire. Simon venait souvent au parc, du moins, il y était toujours à chacune de mes visites ou presque. Au fur de nos rencontres, j'avais appris à le connaître et à m'en faire un bon ami. Toujours aussi taquine, je m'approchais de lui sans faire trop de bruit. De toute façon, avec les aboiements et les bruits de la ville, il ne m'entendrait pas. Je me glissais derrière son banc et me penchant un peu au dessus de son épaule, je posais une main sur ses yeux et j'entourais ses épaules d'un bras pour le retenir gentiment au banc.

"Devine c'est qui ^^!"

Avais-je dis en changeant ma voix de façon peu crédible.

J'aimais bien venir au parc avec Spike d'une certaine façon cela me permettait de me donner bonne conscience car je savais qu'avec mon métier je le négligeais et cela me permettait également de me changer les idées. Étant toujours rongés par les remords, les regrets et la colère envers ceux qui avaient fait en sorte que je sois veuf je ne pouvais que profiter de ces rares moments de détente qui s'offrait à moi afin de ne plus penser à ce qui pouvait être de nature à me ronger … du moins pour un moment des plus brefs.

Spike s'était allongé à mes pieds , tel que je le lui avais ordonné, avec l'âge il avait perdu de sa patience et la dernière chose que je désirais était bien de le voir mordre un gamin. Je l'adorais mon toutou, il était mon seul véritable complice, on en avait traversé des épreuves lui et moi. Fouillant dans ma veste j'attrapai un petit sachet dans lequel se trouvait des biscuits et je lui en remis un. Me redressant je regardai un peu autour de moi et c'est alors que je sentis une main se glisser devant mes yeux et rapidement je réalisai de qui il s'agissait … cette voix étant tout simplement unique.

C'est certainement pas Barrack Obama.

C'était mon humour bien personnel, souriant intérieurement – puisque je l'avais reconnue – je n'hésitai pas à lui prendre la main afin de la guider pour qu'elle puisse prendre place sur le banc.

Quelle agréable surprise que de te revoir.

Je m'étais laissé aller à lui dire ces quelques mots tout en lui souriant.

Quoi qu'on me connaissait pour mon caractère mordant, je n'en étais pas moins taquine. Somme toute, j'avais un travail où je devais constamment me prouver et montrer aux autres que je méritais ma place sur la camion d'intervention. Pour moi, mon emploi n'en était pas qu'un, c'était une carrière pour laquelle j'avais tramée dure et à laquelle je me donnais corps et âme.

"Malheureusement, je n'ai pas le même teint!"

Un sourire étirait le coin de mes lèvres et je ne pus que rire à sa remarque avant de libérer ses yeux. Je me laissais guider par sa main et contournait le banc pour l'y rejoindre tout en répondant d'un ton amusé. Les yeux brillants de malice, je croisais le regard de mon ami. J'étais heureuse de le voir aujourd'hui, il m'avait manqué.

"Oui, je me disais la même chose! J'ai l'impression que ça fait un moment qu'on ne s'était pas croisé, je pourrais même dire que tu m'avais manqué! Toi et ton vieux Spike!"

Doucement, je me penchais vers l'avant pour tendre ma main devant le museau du vieil animal. Ce cher Spike n'était pas toujours d'humeur et il valait mieux pour tous de prévenir avant d'oser lui ébouriffer les poils. L'humidité de sa langue sur mes doigts me confirma que je pouvais lui offrir quelques caresses derrières le crâne avant de m'asseoir convenablement.

"Je crois, enfin... je t'avais dis que je déménageais la dernière fois? Et bien, j'ai trouvé un endroit, mais c'est un peu loin d'ici et le boulot, tu sais ce que c'est! Alors, raconte-moi! Du nouveau de ton côté, au boulot... en amour??"

Je connaissais quelques bribes de l'histoire de Simon, je n'avais pas vraiment tous les détails car enfin, il se comportait un peu comme une huitre sur certain sujet. Toutefois, j'aimais prendre de ses nouvelles et savoir où il en était avec tout ça.

Tu prendrais volontiers le contenu de son compte bancaire.

Évidemment c'était de l'humour, une boutade destiné à la détendre, je savais pertinemment qu'elle n'était pas animée de cette superficialité propre à ceux pour qui rien ne compte plus que le fric et c'était bien comme ça … après tout il fallait savoir s'arrêter afin de profiter pleinement des beautés de la vie. Je la regardai prendre place et puis je l'entendis me dire que je lui avais manqué tout comme mon vieux compagnon.

En effet cela fait longtemps, trop longtemps même, mais bon c'est ce qui arrive vu nos boulots respectifs.

Je lui souris et je la regardai alors qu'elle approcha sa main de la gueule de Spike afin de le caresser fidèle à son haitude … je demeurais aux aguets car après tout il était difficile de prévoir les réactions de tout animal et Dieu seul sait que Spike pouvait se montrer imprévisible par moment.

Tu te plais dans ton nouveau chez toi? Le boulot c'est – comment dire – plutôt tendu … après tout j'ai un service de police au grand complet qui me déteste et le fait que je sois un ancien collègue enquêtant sur leurs bavures ne fait pas l'unanimité et puis relativement à l'autre aspect de ma vie j'avais rencontré quelqu'un je croyais que c'était sérieux et voilà que je suis sans nouvelles de sa part mais bon c'est la vie j'ai pas trop à m'en plaindre.

La vie avait fait en sorte de m'endurcir il en fallait bien plus maintenant afin de m'arracher une larme et puis il faut dire que je songeais encore à me venger de ceux qui avaient fait en sorte que ma vie éclate en mille miettes.

Le compte bancaire de Barack Obama! Laissez-moi réfléchir un instant. Non, je hochais la tête immédiatement en riant de bon coeur. L'argent n'était pas une source de bonheur instantané, il suffisait d'en avoir un minimum pour combler nos besoins les plus vitaux, le reste demeurait optionnelle. Mon travail m'offrait tout ce dont je rêvais. Le salaire se voulait respectable malgré les risques et les dangers auxquels on s'exposait quotidiennement pour mener à bien certaines interventions. Simon en connaissait un chapitre sur ce sujet.

"Qu'est-ce qu'on doit sacrifié pour être des héros!"

Avais-je dis à la légère pour plaisanter, nous n'étions pas littéralement des héros, toutefois, on pouvait se faire plaisir de le croire à l'occasion. Autant les policiers et nous autres, pompiers, devions parfois poser des actes de natures héroïque. Que ce soit, pour moi, de sortir une vieille femme des flammes où de descendre un chaton effrayé d'un arbre, ou pour lui, d'arrêter un criminel ou un chauffard. Nous venions en aide continuellement à des inconnus, parce que notre devoir nous donnait la chance de le faire. Malheureusement pour Simon, le travail n'était plus aussi agréable.

"Oui la coloc se passe bien mais ... ne dit pas qu'ils te détestent! Ils t'en veulent peut-être mais au fond, ils sont idiots, ce que tu faisais, c'était pour le bien de votre service et bon, ils ne savent pas ce qu'ils manquent, un peu comme ce quelqu'un dont tu parles!"  

Bien plus souvent qu'autrement, la vie faisait en sorte de nous mettre les pieds dans un beau bousier et pas juste dans une petite merde de chihuahua. Après, certain diront que lorsqu'il nous arrive malheur, on a aussi tendance à vous le négatif d'abord. Je posais une main amicale sur l'omoplate de Simon.

"Je suis certaine que tu trouveras ton bonheur par toi-même! Et quelle fille ne s'arracherait pas ta belle gueule après tout!"

Je terminais cette phrase avec un large sourire et lui tapota même affectueuse la joue pour le taquiner.

Que doit-on sacrifier pour être un héros? Tout était une question de point de vue, évidemment pour monsieur et madame tout le monde nous pouvions sembler être des héros par la caractère noble de nos actes mais pourtant – sur une note plus personnelle – j'étais d'avis que je ne faisais rien d'autre que le travail pour lequel la ville de New York me payait.

Je crois que dans un premier lieu il faudrait revoir notre définition de héros car pour ma part ce terme est galvaudé par des gens qui le balance à tout vents.

Pourtant j'en avais fait des trucs balèzes lors de ma carrière comme me pointer à un dîner de la mafia afin de passer les menottes au parrain tout comme j'avais désamorcer cette bombe en pleine célébration du nouvel an à l'ombre de Time Square mais à chaque fois j'avais refusé les médailles d'honneur … je n'avais jamais fait ce métier pour satisfaire une soif de gloire personnelle et puis le destin fit en sorte que maintenant je me devais d'agir en préfet de discipline auprès de mes anciens collègues inutile de vous dire que j'étais loin de faire l'unanimité désormais.

Et puis la discussion bifurqua du cadre professionnel afin d'aborder le volet plus personnel de nos existence, c'est alors que nous discutâmes de sa nouvelle réalité : sa colocation pour ensuite parler de ce qui pouvait bien m'arriver notamment sur le plan émotionnel.

Je suis heureux pour toi alors. Oui ils me détestent en fait la plupart des gens du service n'ont pas apprécié que je quitte le NYPD afin de joindre l'ennemi  … soit les affaires internes mais bon tant pis pour eux moi j'ai la conscience tranquille.

Je préférais ne pas trop m'aventurer sur ma vie sentimentale, après tout il est vrai que c'était du rapide et que je peinais à m'y retrouver.

Elle n'est pas si belle ma gueule et puis j'ai autant de caractère que Spike. Je ne pus que rigoler à ce que je venais de dire. Mais merci à toi c'est gentil de me dire ce genre de trucs, ça me rebooste.

Je souris au geste qu'elle venait de me faire, glissant une main contre le bas de son dos d'un geste purement amical.