C’était dur à se l’avouer, mais elle me manquait. Moi, l’éternel associable et sans cœur j’étais tombé amoureux de cette nana-là, et ça me laissait circonspect. Je n’avais pas revu Bianca depuis deux semaines, chacun ayant notre travail à accomplir. Je n’étais pas non plus un fana du téléphone portable, alors autant dire que je n’avais pas de nouvelles. Dans un certain sens, je ne cherchai pas à en avoir car j’avais peur. Peur de mes sentiments, peur de trop m’attacher à elle et de finir par la perdre. J’étais encore stupéfait par le fait qu’elle veuille bien de moi, et en ce sens-là je désirais changer. Mais je ne le pouvais pas. J’étais bien trop adepte à l’héroïne, au crack et à l’alcool pour ça. Qui sait, peut-être que les choses changeront, mais il était encore bien trop tôt pour le savoir. Tout ce que je savais, c’était que comme la drogue j’avais besoin d’elle.

Sortant de mon lit sur un coup de tête, je filais prendre une douche rapide mais soigneuse. J’entourais ma taille de ma serviette et filais en direction de la penderie pour prendre un jean et un tee-shirt noir qui laissait voir mes tatouages. Puis je pris la direction de la cuisine, me fis couler un café noir bien serré et sans sucre, avant de mordre dans une pomme. Mon petit-déjeuner prit, je me brossais les dents, pris ma veste en cuir avec des ailes d’ange dans le dos – un ange, moi, tu parles – et quittait l’appartement pour aller dans le garage où m’attendait patiemment mon Harley Davidson.

Chevauchant sa selle, j’ouvris automatiquement le garage en appuyant sur la télécommande et mis en marche ma moto. M’engageant sur la route, le casque et les lunettes de soleil façon pilote sur la tête, je pris la direction de la villa de Bianca, la boue au ventre. Et si elle ne voulait déjà plus de moi ? Et s’il y avait un autre homme dans sa vie et que je n’étais qu’une passade ? Une myriade de questions me torturait la tête. Pourquoi devrais-je me gâcher et me miner sans cesse le moral pour des questions aussi futiles ? La réponse était simple : parce qu’elle était importante pour moi. Et je savais que je ne laisserais aucun autre homme l’approcher. Je pouvais devenir dangereux lorsque je le voulais, et pour elle je le serai.

Lorsque je parvins devant chez elle, je ne pus m’empêcher de siffler lorsque je vis la baraque dans laquelle elle vivait. Pourvu que sa famille ne soit pas là, sinon j’allais me faire littéralement lyncher sur la place publique. Je prenais des risques, mais il le fallait. Je ne voulais pas que, ne lui donnant pas de nouvelles, elle pense que je n’en avais rien à faire de sa personne, ce qui était aux antipodes de la vérité. Alors tant pis, je prendrai le risque et si elle ne veut pas me voir, au moins je serai fixé.

Pénétrant dans la propriété, je laissais ma moto appuyée contre sa béquille et entendis du bruit provenant de la piscine. Mais avant que je n’ai eu le temps de faire quoi que ce soit, une femme ouvrit la porte d’entrée et vint m’accueillir.

« Que puis-je faire pour vous, monsieur ? »

« Je recherche madame Sanfino. »

« Très bien, suivez-moi. »

J’appréciais sa discrétion. Elle ne me posait aucune question, et de toute façon je n’aurais pas su quoi répondre. Qu’étais-je pour elle ? Son petit ami ? Un coup d’un soir ? Un sex-friend ? Je l’ignorais totalement.

Arrivé à la piscine, je vis Bianca sortir de l’eau, qui ruisselait sur son corps de déesse grecque. Elle était tellement belle…
Je fus accueilli par son sourire, et mon cœur loupa un battement lorsqu’elle déposa ses lèvres sur les miennes pour un doux baiser. Lorsqu’elle me demanda ce qui lui valait cette « agréable visite », selon ses mots, je lui répondis honnêtement :

« Il fallait que je te vois. Ça fait un petit moment que l’on ne s’est pas donné de nouvelles et j’avais besoin de te voir. J’espère au moins que tu n’es pas déçue de ma visite. » Lui demandais-je avec sincérité.

Je disais toujours ce que je pensais, mais là je devais bien avouer que la réalité m’effrayait. En même temps, pourquoi m’aurait-elle embrassé si je ne comptais pas un minimum pour elle ? Tout ce que j’espérais du plus profond du cœur c’est d’être l’unique à partager ses bras.

S’essuyant les cheveux avec sa serviette, ses mèches retombaient sur son visage, laissant perler quelques gouttes d’eau le long de ses épaules et de son décolleté. Bon sang ce qu’elle était belle, je ne le dirais jamais assez. Elle m’invita à prendre place à sa table, et me proposa une boisson.

« Non, un café ira très bien, je vais essayer de ne pas m’alcooliser dès le matin. » Lui dis-je dans un sourire à moitié franc. Ça m’était déjà arrivé… Mais je voulais me montrer digne d’elle, et pour cela je devais faire des efforts.

« Alors, comment vas-tu ? Tu es toute seule au moins, ta famille ne risque pas de débarquer ? Je suis encore jeune pour mourir. » Plaisantais-je, d’un sourire sans pince.

Effectivement, si j’étais encore vivant à l’heure actuelle, c’est bien parce que sa famille n’était pas dans les parages. Non pas que j’avais peur d’eux, car ça n’était absolument pas le cas, mais je préférais de loin les éviter pour le bon état de ma santé générale. Comme toutes les familles italiennes – et c’était peut-être là un cliché – la famille Sanfino était plutôt protectrice quant à ses femmes et à ses filles. L’arrivée d’un potentiel petit ami susciterait bien du mouvement dans l’ordre naturel des choses.
A la question de Bianca je levais les yeux au ciel, réfléchit un instant et lui répondis en haussant les épaules :

« Rien de bien nouveau, je crois. Ah si, je suis con, j’ai failli oublier que j’ai manqué de me faire arrêter par un procureur. »

Je menais ma tasse de café à mes lèvres, souffla doucement pour refroidir son contenu et en bus une gorgée.

« Il m’a de travers à cause d’une vieille histoire, et maintenant il veut m’inculper parce que soit disant que j’aurais revendu des armes à un psychopathe qui a fait plusieurs meurtre depuis. Mais merde, je suis pas responsable de ce que font les clients de leur matos quand même ! »

Il y avait un monde entre la délicatesse orale de Bianca et mon côté brut de décoffrage, mais qu’importe. Elle m’appréciait tel que j’étais, je n’allais pas changer, et de toute façon je ne suis pas sûr que, si changement il y ait, elle l’apprécie. Après tout, c’était bien ce Tony-là qu’elle avait embrassé et à qui elle avait fait l’amour, pas un petit bourge new yorkais coincé du derche.

« Et toi, quoi de nouveau ? » Lui demandais-je, avant de reprendre une gorgée de café.