10 000$ ça devrait suffire. Enfin j’espère. Pas que je ne puisse pas ramener plus, mais il faut dire que je n’ai pas envie que la prochaine fois il m’en demande de trop. J’avoue que je suis un peu nerveux. En même temps qui ne le serait pas. C’est pas comme si le type que je m’apprête à rencontrer pouvait me faire descendre juste parce que ma tête ne lui revient pas. Alors je fais en sorte d’être à l’heure et surtout, présentable. Un pantalon noir avec une chemise blanche. Classe, mais pas trop... C’est avec une certaine appréhension que je me gare non loin du bar qui lui sert de QG. J’espère qu’il pourra m’aider. Surtout que je compte lui demander deux services. Ce qui explique la somme que j’ai dans le sac à dos.

Je sonne à la porte du bar et attend qu’on vienne voir ce qu’il se passe. Je dis alors que je voudrais voir Monsieur Cimino, que c’est mon boss qui m’a donné l’adresse. Je précise d’ailleurs, en montrant le sac à dos que j’ai quelque chose qui pourrait peut-être l’intéresser. Bien sûr on me fouille. J’aurais trouvé bizarre qu’on ne le fasse pas. Je ne porte bien sûr rien qui pourrait être vu par les hommes de main comme une arme. Je ne suis pas assez idiot pour cela, mais plus encore si en temps normal je suis plutôt une grande gueule, là je ne fais pas trop le malin. Surtout quand j’arrive devant monsieur Cimino. J’attends avant de dire quoi que ce soit, avant de bouger… J’ai pas vraiment envie de faire de faux pas…

Finalement je me retrouve seul avec lui dans un bureau, je ne sais pas vraiment si c’est bon ou mauvais signe pour moi, enfin je suis là maintenant. Il me fait un signe et lorsqu’il m’ordonne de m’asseoir j’obéis sans moufeter. Il n’a pas l’air de trop mauvaise humeur, mais je suis bien placé pour savoir qu’il ne faut pas se méfier des apparences. Que parfois une personne semble calme et de bonne humeur, mais est en train de bouillir à l’intérieur. Je pose mon sac à dos à mes pieds en prenant place. « Je vous remercie de me recevoir, Monsieur Cimino. J’m’appelle Aiden Burton. Vous ne me connaissez pas, mais je bosse pour un type que vous avez aidé il y a six mois, il tient un bar. J’ai besoin d’aide et il a dit que vous étiez la personne à venir voir. » Je fais une petite pause histoire de reprendre mon souffle et le sac à mes pieds. « Bien sûr je ne suis pas venu les mains vides. J’ai dans ce sac de quoi vous prouver, je l’espère mon sérieux. » Je ne sais pas s’il veut que je vide le sac moi-même ou s’il veut le faire faire par une des personnes qui était avec lui jusque-là. Il n’a qu’à me faire un signe et j’obéirai.

Tout dépend de ce que l’on demande ? C’est que ça ne m’arrange pas des masses ça. Mais peut-être qu’avec les sous que j’ai ramené ça va le faire. Je sais bien qu’il n’y a rien de gratuit dans notre monde et il semble déjà satisfait par le fait que j’ai amené un petit quelque chose. Comme il me demande de lui montrer ce que le sac contient je l’ouvre alors. Je lève le sac pour lui montrer ce qu’il contient avant d’en sortir les premières liasses. Je les pose sur le bureau. « Y en a pour 10 000$. J’espère que cela sera suffisant pour ce que j’aimerais vous demander. » Je termine de vider le sac sur le bureau. Ça ne fait pas tant de liasse que ça, dans le sac on avait l’impression qu’il y en avait plus. Mais bon la somme est tout de même là. C’est ça qui compte, non ?

Ok… donc au moins il accepte au moins de m’écouter c’est déjà ça. Je ne sais pas si cela suffira à ce qu’il m’aide, mais je sais déjà que je ne reverrais pas mon fric. En même temps je le savais déjà quand je suis allé le chercher. Enfin, bref… je repose le sac à dos au sol tout en commençant à lui expliquer en quoi consiste l’aide dont j’aurais besoin. « Je vais la faire courte… j’ai un trafic d’œuvres d’art. » Je ne sais pas vraiment si je fais bien de lui parler de ça, mais je me dis qu’il vaut mieux qu’il soit au courant. Ce n’est pas le genre de type à qui il faut cacher des choses. Sans interruption je continue sur ma lancée. « C’est un petit truc, juste mon associé et moi… On s’est fait doubler et j’aurais besoin que vous m’aidiez à retrouver ces parasites et… il me faudrait une arme dont je pourrais me débarrasser facilement…pour un autre insecte qu’il me faut écraser. » Voilà c’est dit. Il sait ce dont j’aurais besoin. Je tente de ne pas montrer à quel point je suis nerveux, mais je n’en mène pas large et je me doute bien que cela se voit malgré tout. Je peux lui donner plus de précision s’il veut, mais je n’ai pas envie de parler trop longtemps. Toujours dans le but de ne pas lui déplaire…

Il me laisse finir avant de se pencher un instant pour prendre une arme. Je connais le modèle qu’il me montre, bien que sa version soit modifiée. Je le laisse finir et le prend un main un instant, mon dieu ça ne me rajeunis pas d’avoir une telle arme dans les mains. Puis il me demande de plus amples informations sur les types que je recherche. Le problème c’est que je n’en ai pas des masses, mais il lui faut quand même une réponse. « Pour le flingue c’est parfait. J’étais agent de sécurité dans une banque il y a des années… j’avais aussi un Glock. Avec un silencieux ça serait parfait... » Je repose l’arme sur le bureau tout en continuant. « Merci beaucoup. En ce qui concerne les types… j’ai pas vraiment d’info. Le braquage chez Sotheby’s, ça vous dis quelque chose ? Mon associé c’est pris un coup sur la tête et a perdu la mémoire. Je ne dispose pas de plus d’information que la police pour le coup. C’est pour cela que j’ai besoin d’aide. Mais ils vont pas pouvoir se trimballer le tableau trop longtemps et les revendeurs avec qui on bosse et chez qui ils pourraient aller nous préviendrons si c’est le cas. Ils vont devoir trouver quelqu’un d’autre. Si vous pouviez lancer la rumeur que vous voulez se tableau ils se montrerons… je suis sûr qu’ils penseront que je ne viendrais jamais m’en prendre à vous pour le récupérer… » Je ne sais pas vraiment si mon idée est jouable, ni si cela va lui plaire, mais au moins ça prouve que je suis capable de réfléchir par moi-même… De temps en temps ça arrive en effet.

Comme je fini ma phrase le voilà qui gueule le nom de la nana, qui revient dans le bureau sur le champ. Il lui demande alors de chercher l’arme et je ne sais vraiment pas pourquoi, mais il me semble qu’elle ne m’aime pas. Je serais bien tenté de demander ce qu’elle a contre moi, mais je ne vais pas tenter le diable. Et heureusement que je ne dis rien. V’là qu’il me sort que c’est sa cousine. Bah merde alors il n’a pas de bol on peut dire. Enfin bref, on est pas là pour parler famille. Il enchaine alors sur mon idée. Elle semble lui convenir, ce qui n’est pas pour me déplaire. Il évoque alors le fait que cela peut être soit des indépendants, soit des mecs bossant pour une organisation plus importante. Je réfléchis un instant avant de lui répondre. « Je pense pas que c’était une organisation. Le tableau veut un petit paquet… mais pour des gars comme mon associé et moi. Pour une organisation qui est vraiment dans le trafic d’art c’est pas assez… » Bon ok là c’est du bluff, le tableau vaut 2,5 millions de dollars, personne ne cracherait dessus, même si une organisation aurait sans doute pris d’autres tableaux au passage.

Il ne s’y connait pas ? Vraiment ? J’aurais cru, enfin c’est pas grave, c’est pas le plus important. Il me confirme alors que c’est comme ça que l’on va faire et qu’on essayera de le faire bien en douceur, sans qu’il y ai de mort. Sinon je vais devoir débourser plus de fric pour palier à ça. Mais pour l’instant on ne parle pas de ça. Il me sort alors que j’en ai dans le crâne, mais je crains qu’il ne se trompe de gars. « En fait… je dois dire que c’est Simon le cerveau, moi je suis les muscles, c’est tout. Sinon, si vous avez jamais entendu parler de moi, c’est peut-être parce que je suis juste un homme de main, d’un ‘’petit’’ caïd. Je viens de Vegas. Je suis arrivé ici fin 2000… en 2002 je me suis retrouvé en taule pendant 5 ans. Depuis je suis officiellement videur. » Je vais pas lui donner les infos tout de suite et puis en même temps je ne vais pas lui balancer des infos au pif.

Comment je fais pour faire ce boulot ? Je ne sais même pas en fait. Je n’y ai jamais réfléchi. Mais les mecs bourrés ne me gênent pas en y repensant. « Manque d’opportunité et puis… les mecs raides tombent plus vite que les autres et tout seuls en plus… » Il finit par me demander pourquoi je me suis retrouvé en taule en me faisant un commentaire sur la vie là-bas au passage. « Ouais, c’est la merde et j’ai passé la première année à l’isolement. J’me suis pris cinq ans pour coups et blessures avec intention de donner la mort. J’ai pas été accusé de meurtre parce que le type a survécu… pour l’instant… » Bien sûr il doit comprendre sans problème que je parle du type que je vais descendre…

Donc il a très bien compris de quoi je parle. J’hoche la tête pour le lui signifier avant qu’il ne me parle de l’isolement. Un mois pour lui, d’après ce qu’il dit. Il sait donc ce que cela fait. D’ailleurs il me fait même un commentaire sur le fait que j’ai du mérite. Je ricane un peu, au moins on me fichait la paix au mitard. Mais c’est vrai que ce n’était pas tous les jours facile. « Oh j’ai pas vraiment passé l’année entière là-bas… de temps en temps je passais trois ou quatre jours dans ma cellule avant d’y retourner… perso c’est parce que je me battais tout le temps, avec des détenus ou des gardiens… je suis pas trop difficile tant que je peux cogner. Mais pour vous… Macaroni… putain quel enfoiré. Je pense que perso je lui aurai enfoncé mon poing tellement loin dans le fondement qu’il en aurait recraché ses dents. » Personne ne pourrait m’appeler comme ça… quoi que, un demi-macaroni peut-être… mais ma mère étant une vraie italienne je me sens un peu visé quand même. « Enfin, pour le flingue… ça vous dérange si je m’en débarrasse un temps en le planquant quelque part. Je sais d’avance que je serais le suspect numéro 1 sur la liste des flics, alors je vais pas le garder sur moi… » Je préfère demander au cas où, sinon je trouverais une autre solution, c’est pas bien grave.

Monsieur Cimino me raconte alors en partie ce qu’il a fait au maton qui l’avait insulté. Lui défoncer la mâchoire c’est pas mal aussi. Il me demande alors de quelle origine je suis, non sans avoir vanté les mérites des italiens, ce que j’acquiesce d’un signe de tête, et je le laisse finir par rapport au flingue avant de lui répondre la totale. « Mon père est américain, mais je suis italien par ma mère. » Je ne sais pas trop ce qu’il pense des ‘’demis-italiens’’, mais je me risque tout de même à faire un commentaire. « Donc je comprends votre point de vue quant à cette ‘’enflure’’ comme vous dite. Je ne suis certes pas totalement italien, mais ma mère nous a appris à aimer nos origines. D’ailleurs, mon frère et moi avons chacun hérité d’une propriété en Toscane. Chacun la nôtre. C’est que le grand-père avait une petite fortune. » Je dis ça comme ça, d’une traite sans vouloir me vanter pour le moins du monde. « Et pour le flingue vous en faite pas… même si je me fais choper avec je balancerais jamais votre nom…. Je suis une vraie tombe. » De toute façon le balancer reviendrais à signer mon arrêt de mort.

J’aurais dû me douter que le fait de savoir que je suis à moitié italien aller lui plaire. Il me parle de la Toscane, du fait qu’il y est déjà allé. C’est vrai qu’il parait que Florence est une belle ville. Du moins c’est ce que j’ai entendu dire. Personnellement je n’ai jamais eu cette chance. Il me demande alors des précisions, si mon grand-père était dans le business. « Je ne sais pas vraiment. On parlait pas beaucoup de lui. Il a pas vraiment apprécié que ma mère se casse avec un Ricain. Alors on avait pas trop de contacts. Les seuls à qui il n’en a jamais voulu c’était mon frère et moi. On se parlait surtout par téléphone, de temps en temps. Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois… à mon procès. Il est venu d’Italie alors que mes parents ne sont pas venus eux. Je suis pas sûr qu’il ait été dans le business, mais je vois pas pourquoi un homme ‘’normal’’ aurait des gardes du corps. Et puis il avait cette allure qui vous force à baisser les yeux… » Je me surprends à sourire un instant en repensant à lui. « Faudrait voir avec mon oncle pour connaitre la réponse. »

Les balances… je les comprendrais jamais. « C’est plus par principe que par sécurité que je vous balancerais pas. » L’homme en face de moi semble se radoucir et me propose à boire, sauf que je n’ai pas l’intention de paraître être un profiteur. « Loin de moi l’envie de vous vexer, mais j’accapare assez de votre temps comme ça. Je suis sûr que vous avez d’autres choses, plus importantes à faire. Mais je vous remercie vraiment pour votre générosité. »

Ça fait bizarre de parler de mon grand-père. Je ne l’ai presque pas connu, mais il me manque. Mais je crois qu’à ce moment ce qui me surprend le plus c'est de voir monsieur Cimino parler de son grand-père à lui. Je pensais pas qu’il parlerait si librement. Il finit par me dire que ça ne l’étonne pas que mon aïeul soit venu pour me soutenir.

Après avoir parler quelques instants de nos familles, il me confirme qu’il a des trucs à faire avant de me rassurer quant au retour imminent de sa cousine. Je me risque alors à lui poser une question que me tracasse depuis que je suis là. « J’ai fait ou dit quelque chose de mal ? Parce que j’ai l’impression qu’elle me reproche quelque chose. »

Je ne dois pas m’en faire qu’il me dit. Elle est comme ça avec tout le monde. L’exemple même de ce qu’il me disait sur les jeunes. Au moins je sais qu’elle ne m’en veut pas personnellement, c’est déjà ça. Elle arrive au même moment, après avoir frappé un coup sur la porte. Je les écoute distraitement échanger quelques mots avant qu’elle ne me jette littéralement le flingue sur les genoux dans un sac en papier. Et sa réflexion me fait plus sourire qu’autre chose. « Ne vous en faite pas, je sais très bien m’en servir. » J’ouvre tout de même le sac pour en sortir l’arme. Pas que je ne leur fais pas confiance, mais je préfère vérifier son état. Il est nickel, enfin de ce que je peux voir sans le démonter. « C’est au moins un problème de réglé. Maintenant pour le tableau ? Vous voulez faire comment ? »