Les jours passaient et se ressemblaient mais étrangement, ça n'était pas pour me déranger: dans le fond, c'était même le contraire: une vie carrée, bien remplie, c'était là le secret ! mais n'allez pourtant pas croire que j'étais un de ces types endimanchés jusqu'au cou. Psychiatres, juges et autres pingouins ! j'étais d'ailleurs leur antithèse, avec mon long pardessus noir, mes lunettes de soleil et mes bagues aux doigts. Et en ce qui concernait mes horaires, ce n'étaient pas vraiment les memes que les leurs, au contraire. "L'avenir appartient à ceux qui s'lèvent tôt" mon oeil, ouais !

Il n'était pas rare de me voir me réveiller tard, très tard. Aux alentours de quinze heures, commencer à émerger. Prendre un petit déjeuner -un café noir bien serré et un croissant, habitude étrange de ma française de mère- , commencer déjà à dessiner, scénariser, dans une précision militaire. Une demi heure plus tard, poser les lèvres sur la première bière de la journée et faire une pause quelques heures plus tard, sans même compter les cadavres de bouteilles à mes pieds. Sortir, prendre l'air et au hasard d'un détour, préférer un bar plutôt que l'autre. Décider de m'y poser jusqu'à la fin de la soirée.

En réalité, c'était exactement ce qui m'attendait ce soir là comme la veille ou l'avant-veille. Le même destin qui m'attendait tous les jours depuis maintenant plusieurs années. Quand je vous disais que ma vie était carrée ?

J'ai écrasé ma cigarette parterre avant d'entrer dans le bar. Aussitôt, je commandais un verre sans porter attention au monde autour de moi et m'installais à côté d'une jeune femme, la place était libre. Je prenais quelques notes, gribouillais quelques croquis dans mon carnet, profitant de la disparition de mes tremblements. Ô, Sainte boisson, que ferais-je sais toi ?
Et j'ai tourné la tête, le verre gigantesque de la jeune femme aimantant mon regard:

- Wow ! y'en a qu'ont des intentions ! j'ai lancé, un sourire amusé en coin...

J'ai hoché la tête, souriant avec plaisir:

- J'ai bien vu, oui... en réalité, vous êtes la première personne que je rencontre à boire autre chose que de la bière dans une pinte... j'aurais du y penser plus tôt !

J'ai ri, amusé de cette curieuse rencontre. La jeune femme pourrait croire que je me moquais d'elle mais pourtant, ce n'était pas le cas, loin de là. Non, au contraire ! je trouvais ça carrément malin... Et ça m'étonnait même, moi, le trou sans fond qui passait sa vie à consommer de la picole de n'y avoir pas pensé plus tôt. J'ai souri, arquant un sourcil:

- Alors comme ça... vous êtes irlandaise ?

J'adorais l'Irlande. Bien évidemment, je n'étais pas allé là-bas souvent, et pour rien d'autre que quelques jours de vacances dans de la famille plus ou moins éloignée. Mais si j'en avais peu, mes souvenirs là bas étaient pourtant parmi les meilleurs de ma vie.
Hochant la tête alors qu'elle me signifiait les instruments de musique un peu plus loin, j'ai froncé les sourcils:

- Parce qu'en plus... vous chantez ? mais, vous êtes la femme parfaite ma parole ! J'serai au premier rang tout à l'heure, dans ce cas !

J'ai ri légèrement, lui adressant par la suite un sourire amical. Et j'ai ouvert de grands yeux surpris alors qu'elle se mit à me questionner sur le mien, d'instrument. J'ai hésité à faire une blague graveleuse, me suis finalement ravisé: après tout, ce qui se fait avec un ami proche n'est pas toujours bien vu en société... c'était au moins ça de pris, dans les enseignements nombreux mais peu utiles que ma mère m'avait transmis. Et haussant les épaules j'ai mordillé ma lèvre inférieure avant de répondre:

- Pas exactement... En fait, j'suis dessinateur de bande dessinée. J'fais mes scénarios, bien sûr mais... ici, je viens souvent pour faire quelques croquis. Mais dans tous les cas... on fait un peu dans l'artistique tous les deux, hm? alors...

J'ai souri de nouveau avant de lever mon verre:

- A la liberté d'expression et aux pintes de... mais qu'est ce que vous buvez, au fait ?

J’ai ricané à sa blague. Et le pire dans tout ça, c’était sans doute qu’entre-mêlé d’humour, elle venait de donner une vérité. Après tout, c’était souvent ce qui se passait : une femme trouvait une idée brillantissime, assez pour qu’un crétin au sexe pendant ne se pointe la gueule enfarinée, clamant haut et fort que « c’était mon idéééeuh ! » et PAF ! Prix nobel : viens voir papa. Marie Curie se mordait les doigts de ne pas avoir été plus rapide. Ou plutôt, d’avoir été aussi confiante en l’homme qu’était son mari.

- Et maintenant… reste plus qu’à savoir quel gars va vous piquer votre ingéniosité : 2000 ans de patriarcat sont passés derrière nous et pourtant, on dirait bien que l’histoire se répète, hm ?

J’ai ricané jaune, surenchérissant. J’avais beau être un homme, je trouvais que ces attitudes masculines étaient gerbantes. Pourtant, je ne me définissais pas non plus comme féministe : juste ayant du bon sens… et riant de plus belle, j’ai secoué la tête :

- hmhm. Inutile. Votre réputation vous précède !

Surtout auprès de moi. C’était vraiment inutile. La boisson ? Plus qu’une passion, plus qu’une vocation : une addiction. Et ça m’allait très bien comme ça.

Lui adressant un clin d’oeil, j’ai ri avant de justifier, sans même démentir ses suppositions :

- Les meilleures choses sont parfois les plus simples… Vous ne trouvez pas ? Là, j’ai marqué une courte pause, avant de reprendre : ah oui ? Personnellement… je trouve les écrivains extraordinaires. Suggérer juste ce qu’il faut pour que l’imaginaire parte, faire voyager avec des mots… c’est incroyable ! Je crois qu’on a pas autant de mérite, avec nos gribouillages. Nous, on fabrique des images figées. Mais un auteur… permet aux lecteurs d’avoir mille images différentes en tête !

J’ai levé mon verre, tout comme elle, riant doucement à sa remarque :

- On ne peut pas toujours chasser le naturel irlandais ! Et je lui ai adressé un clin d’oeil. Taper sur les stéréotypes ? Ma spécialité. Mais ce n’était jamais méchant. Toujours dans la blague. Finalement, j’ai trempé mes lèvres dans mon verre dont je prélevais une gorgée.

- Et donc… vous chantez ce soir ?

Bien joué Sherlock, quel esprit de déduction tout en finesse ! Tu mérites une médaille !

J’étais pas du genre à draguer dans les bars. Pire ! À draguer tout court. Par manque d’audace, par pudeur peut-être, qu’est ce que j’en savais moi, l’alcoolique, le pilier de bar ? p’t-être d’ailleurs que c’était pour cette raison qu’j’voulais pas, draguer dans les bars. J’préférais bien plus faire confiance à la providence et ses bonnes surprises. Et croyez le ou non, Emily était l’une de ces surprises agréables. Allez savoir pourquoi, elle avait décidé d’me tourner autour. Et plus surprenant encore, j’étais entré dans son jeu.

Pas pour me déplaire, j’avais même hasardé quelques blagues dont les féministes m’auraient félicité. Mais elle n’avait pas tort ! Certaines femmes, aussi belles fussent elles, n’étaient pas en reste pour les coups bas. Aussitôt, j’ai hasardé, juste pour plaisanter :

- Vous connaissez mon ex à c’que j’vois !

Fier de ma blague, j’ai ri, terminant mon verre. Fronçant les sourcils, j’ai réfléchi un court instant.

-Mh. Pas qu’je sache, mais t’as raison, la question mérite qu’on la pose : un british bon vivant… Je suis le bug dans la matrice !

« vous avez une bonne tendance à la philosophie à ce que je vois ! » Pourtant pas du style à regretter mes propos, j’ai pourtant dégluti un peu gêné aux entournures. Parce que paraître pour le mec barbant, c’était pas mon genre. Ca m’paraissait même totalement abstrait, à moi, l’type l’plus souvent bourré que sobre,moi et mes idées douteuses, servant à mon divertissement. Un peu surpris, surpris, j’ai tenté de la rassurer.

- C’est pas la première qualité qu’on puisse me trouver pourtant, d’habitude.

Et dans un sourire, j’ai terminé mon verre, pensif face à ses propos.

- Exactement. La vie est déjà assez compliquée ; pourquoi se prendre la tête ?

Fermant mon carnet, que je rangeais précieusement dans ma poche, j’ai lissé ma barbe, fronçant les sourcils :

- tu n’as pas tort : dans tous les cas, y’a du bon et du moins bon dans tous les arts j’imagine… Y’a qu’a voir certaines bouses qu’on nous fait subir à la radio ! Et j’ai ricané : Justin Bieber : c’pour toi !

Marquant une courte pause, j'ai repris:

- Oui… pardon… TU chantes. j’ai surenchéri. J’ai hâte de te voir à l’oeuvre, dans ce cas !

Regard lourd de sens, j’entrais malgré moi dans le jeu des sous-entendus qu’elle-même avait instauré. Et ce n’était pas pour me déplaire...

J'ai ri, la voyant réfléchir, doutant de savoir si elle connaissait mon ex. Et j'ai ajouté, un sourire malicieux se dessinant sur mon visage: Je plaisantais, Emily! c'était juste... à cause de la description typique et peu flateuse que... et j'ai sorti mon plus grand jeu d'acteur, reprenant de plus belle, en riant: oui, enfin bref... j'essayais d'être drôle, quoi !

J'ai haussé les épaules. Bien évidemment, je n'allais pas lui raconter mes heures les plus sombres. Alors j'ai souri: Peut-être ... qu'on pourrait avoir l'occasion d's'en rendre compte à ton retour de scène ?

J'ai adressé un clin d'oeil amusé et plein de défi à la jeune femme. Mais... je ne doute pas de ta capacité à encaisser ! des litres et des litres de bière, voilà ce dont tu avais envie là tout de suite. Et si tu pouvais les boire en charmante compagnie, que demander de mieux ? t'as souri, hochant la tête riant à sa tape dans l'épaule waouh, quelle poigne! Mohammed Ali n'a qu'a bien se tenir ! t'as souri, levant la main : Oh ! un point commun pour nous ! si j'pouvais... j'ferais un tour en DeLorean et j'm'arrangerais pour que ses parents ne se rencontrent jamais ! j'ai ri, finissant mon verre d'une traite. Et hochant la tête, j'me suis levé:

Vas-y, j'te suis ! j'me mets au premier rang ! j'ai recommandé un verre, puis l'ai suivie, tout sourire, prêt à l'écouter...

J’ai dégluti, j’me sentais con. Bon dieu c’que je me sentais con. En réalité, jamais j’aurais voulu la comparer à mon ex. En même temps, fallait dire qu’elle était assez frappée pour savoir que cette fille, y être comparé, c’était revenir à être insulté. Un peu gêné, j’ai ri.

- Euhm… c’tait pas vraiment c’que je voulais dire. Mais… si tu vois ça comme un compliment, alors… tant mieux ? En tous cas, plus jolie… y’a pas photo !

J’ai ricané. Conscient de n’en avoir jamais parlé, j’étais conscient qu’elle même l’avait mis sur le tapis : il ne me suffisait que de m’engouffrer dans la brêche. Après tout, les compliments, autant en faire sans modération ! Riant de plus belle, j’ai dodeliné de la tête : bon… très bien ! Ça m’rassure ! Merci d’être aussi clémente avec mon sens de l’humour douteux !

Là,j’ai terminé mon verre d’une traite, grimaçant à outrance : - quelle insulte ! Ça a beau être ma boisson préférée, s’il s’était appelé Beer, j’en aurais plus bu une goutte !
Et riant de plus belle, j’ai suivi la demoiselle pour l’écouter chanter. Là, au premier rang, j’étais impressionné par sa voix. Comme hypnotisé, je n’en perdais pas une miette. L’entracte arrivé trop rapidement à mon goût, j’en avais profité pour aller nous chercher deux verres, attendant patiemment la fin de son tour de chant...

Il y avait des comparaisons que l’on devrait s’abstenir de faire. Celle de son ex face à une fille que l’on est en train de draguer en faisait partie. Bien évidemment, je ne voulais pas faire cette comparaison entre elles deux. Mais la blondinette avait retourné mes mots, de sorte à ce que cela sonne autrement. Et j’avais tenté de me raccrocher aux branches comme j’avais pu.
Evitant les questions gênantes, j’avais hoché la tête en riant :

- C’est que je suis incomparable ! Et… j’sais pas trop comment j’dois prendre d’être un « spécimen ». Alors… on va dire que c’est un compliment, hm ? Riant doucement, j’ai ajouté : en tous cas… J’aime vraiment bien ta compagnie. T’es quelqu’un de cool !
Plaisantant encore quelques instants sur la bière et Justin Bieber, j’ai haussé les épaules : personnellement… je ne suis pas quelqu’un de compliqué. Du moment que ça se boit… lui adressant un clin d’oeil, j’ai souri : mais pour autant… je suis bien content que le monde soit ainsi. On a évité la catastrophe de peu ! « justin beer ». Beurk !


Et je l’avais ensuite suivie vers la scène, l’écoutant attentivement. Elle chantait merveilleusement bien. N’en ratant pas une miette,j’avais pris deux verres, la regardant me rejoindre tout sourire

- C’que j’en pense ? Eh bien… j’en pense que… tu as bien droit à ce verre ! c’était génial ! Bravo ! t’as vraiment une très belle voix !

Tourner autour du pot avait toujours été la stratégie qui m’avait réussi. En dire, sans trop en dire, en faire sans trop en faire. Parce que je ne m’étais jamais senti être de ceux devant qui les filles se prosternaient ou se retournaient sur leur passage… Pourtant, dire que je détestais ce qui se passait avec cette fille aurait été totalement hypocrite. Et le plus surprenant dans tout ça, c’était encore qu’elle entrait tranquillement dans mon jeu. A moins que ce ne soit moi, qui entrais dans le sien, difficile à dire…

A sa remarque, j’avais ri légèrement, hochant la tête. Pas du genre à me vexer pour aussi futile, j’avais arqué un sourcil : - hmhm. Flegme britannique, maladresse Irlandaise… je vois que chaque patrie à sa tare ! Mais ne t’inquiètes pas. J’me serais pas vexé quoiqu’il arrive ! Riant, je lui ai adressé un clin d’oeil avant d’hausser les épaules, réfléchissant à la réponse que j’allais bien pouvoir lui servir sans pour autant avoir la gueule de l’ado mielleux et boutonneux dont j’adorais me foutre éperdument. Ben… non ? Je crois pas ? j’ai ri. C’que j’veux dire c’est que… Tu es quelqu’un d’agréable ? Et j’ai surenchéri, un sourire en coin fiché sur le visage : et puis : t’aimes la bière, tu détestes Justin Bieber, et t’es plutôt mignonne alors. Forcément : tu marques des points ! Ricanant, je lui ai servi un clin d’oeil avant de m’installer, et de prendre quelques gorgées de mon verre : Cool ! Moi qui avais peur de m’ennuyer en venant ici… content de constater que j’ai une adversaire à mon niveau ! Là, j’ai arqué un sourcil. Je savais pertinemment de quoi elle voulait parler, mais pourtant, j’ai joué à celui qui ne comprenait pas : tout dépend c’que tu entends par « plus sérieux ? »

Et si on s’amusait un peu ?

Ce petit jeu aurait pu m’impressionner, peut-être même me faire prendre mes jambes à mon cou. Il fallait dire qu’en temps normal, j’étais bien plus du genre à vouloir boire dans mon coin que de faire du gringue aux demoiselles : la drague, je n’y étais pas allergique, non. Seulement en toute honnêteté, j’étais bien plus à l’aise seul avec mon verre à dessiner les créatures sorties tout droit de mon cerveau bien trop créatif ; qu’à jouer les Dom Juan auprès de demoiselles méritant bien mieux que ça. Pourtant, allez savoir pourquoi, cette fois-ci, c’était totalement différent. Le jeu qui s’instaurait avec Emily était discret, agréable. Et par dessus tout, il m’amusait.

Un sourire en coin se dessinait sur mon visage alors qu’elle parlait de passer pour un pochtron. Je ne relevais rien, me contentant de rire légèrement, prenant une gorgée de mon verre… Mais au vu de la situation, avouez qu’c’était quand même marrant, comme le hasard avait parfois le sens de l’humour !

- Pour un pochtron… ou pour un Irlandais ! n’est-ce pas là c’que tu es ? Dans ce cas… ce n’est qu’être fier de ses origines, non ?

J’ai ri, lui adressant un clin d’oeil. Bien évidemment, certains auraient pu mal prendre ce genre de remarques. Mais elle semblait avoir le second degrès nécessaire pour comprendre une plaisanterie de cette sorte. Et à sa remarque, j’ai ri de plus belle, terminant mon verre d’une traite ;

- Oh. Alors tu veux un duel avec moi ? Franchement… tu ne sais pas à quoi tu t’exposes là ! Hm… et donc c’est moi qui choisis les armes. Fort bien. Dans ce cas…

J’ai réfléchi deux secondes, appelant le serveur à qui je demandais fièrement, léger regard en coin à l’attention de mon hôte de la soirée :

- Un mètre de teq paf s’il vous plait ! et me tournant vers la demoiselle, j'ai souri satisfait de mon effet: tu avais raison sur une chose: boire tout seul, c'est pochtronner.

Lui adressant un sourire, j'ai fait une révérence, lorsqu'elle me dit me donner un bon point. Et fronçant un sourcil, j'ai réfléchi un court instant: - Sachant que j'étais déjà parti pour payer les verres... j'dis pas non pour le bisou ? Léger rire. En réalité, cette demande était plus une curiosité qu'autre chose: serait-elle vraiment capable de m'offrir ce qu'elle avait proposé, ou se raviserait elle ? Dans tous les cas... j'suis vraiment honoré pour le bon point !

Souriant, j'avais ensuite opté pour un mètre de téquila. Pas forcément ma boisson de prédilection, probablement pas la sienne non plus. De quoi être sur un pied d'égalité, le temps de quelques verres au moins... lui adressant un sourire, j'ai levé mon verre après la voir enfiler le sien. Et en une gorgée, j'avalais le shot qui me brulait la gorge. Fermant les yeux quelques secondes, j'ai reposé mon verre, à l'envers, comme le voulait la coutume... et souriant, j'ai proposé: On peut peut-être le faire à la mexicaine ? Lui adressant un sourire, j'ai mis du sel sur le dos de ma main, que je gobais presque aussi vite, enchainant sur une morsure dans un quartier de citron... Et sans attendre, j'avalais le contenu de mon second shot. Finalement, j'avais oublié combien la téquila pouvait être bonne... mais aussi trompeuse. Déjà, je sentais le rouge me monter aux joues.

Un air de défi dans la voix, m’avait poussé à lui demander « un bisou ». Pas de mon fait, mais du sien : après tout, c’était elle qui en avait eu l’idée. Ne pas foncer tête baissée aurait été criminel, non ? A la voir s’approcher de moi, je me mis à sourire, amusé de la situation. Et alors que le baiser se déposait doucement au coin de mes lèvres, je fis une mine étonnée avant de lui lancer : Pari tenu, ma chère Emily. Je suis stupéfait ! Bien évidemment, j’aurais pu être de ceux qui tournent la tête en vitesse, afin de piéger leur proie. Mais j’avais toujours trouvé ce genre d’approche très lourde et déplacée. Et je devais bien admettre que ce petit jeu entre elle et moi me plaisait plus qu’il n’aurait peut-être du, en temps normal…

Quelques minutes plus tard, nos mètres étaient arrivés. Sans broncher, j’enchainais les verres. Jusqu’à la limite dépassée. La brûlure si forte que pour la première fois de ma vie, j’aurais pu ne plus boire une goutte. Mais plutôt mourir que de m’avouer vaincu. Réfléchissant quelques secondes, j’ai fini par trouver la solution. La variante méxicaine qui me donnerait quelques secondes de répit, le temps de croquer à pleines dents dans mon citron...surprise, la demoiselle me demandait la même chose. Lui adressant un sourire, j’ai attrapé sa main entre mes doigts, caressant doucement sa peau de mon pouce, la portant à mes lèvres pour y déposer un baiser innocent en apparences… et apposer, l’air de rien, le sel qu’elle m’avait réclamé. Lui adressant un clin d’oeil, j’ai fini par lui tendre un quartier de citron :

- Mon exemple n’est pas toujours le meilleur à suivre, tu sais ? Et riant de bon coeur, j’ai conclu, levant mon verre : à la tienne, cowgirl!