Je l’écoute me redire qu’elle ne me juge pas. Qu’est-ce que j’ai fait pour meriter de tomber sur une perle pareille ? Enfin je ne vais pas m’en plaindre. « Vous avez vue la partie la plus intéressante alors » Lily m’annonce ensuite qu’elle vient de Russie, je n’aurais jamais juré.  Elle n’a pas d’accent ou du moins aucun que j’aurais entendu. « Je ne pourrais pas vous dire que je suis aller en Russie par contre. J’ai jamais voyager. Même pas à travers les Etats-Unis. Y aurait-il un coin que vous me conseillerai si jamais l’occasion se présente ? » Je dois dire que cette fois je ne ment pas. Sa réponse m’intrigue vraiment. Qui sait peut-être qu’un jour je pourrais visiter ce pays…

Je réfléchi un instant à ce que je pourrais lui dire. « Les banlieues. Il y a bien une classe moyenne qui s’en sort pas trop mal. Mais sinon… il y a pas mal de personnes pauvre aussi. Du coup les trafics et tout ça… on peut dire qu’il y a deux Las Vegas. Celui que vous avez vu et celui que je connais. Bien que je n’ai jamais fait partie d’un quelconque gang… maintenant ça fait quoi… presque vingt ans que je n’y ai pas mis les pieds. Ça doit avoir changé. San Francisco c’est pareil d’ailleurs. Quand j’ai fugué je me suis retrouvé là-bas, à servir de livreur pour un gang. » Je m’arrête un instant et me crispe alors en repensant aux cicatrices que j’ai dans le dos. « Je n’ai pas souvent vue les bons aspect des villes. Je serais un mauvais guide. Mais je dois dire qu’en voyant votre regard en parlant de la Russie vous me donnez envie d’y aller. »

« Juste mon dos… un souvenir de mon passage à tabac. J’avais 14 ans… je savais pas dans quoi je m’embarquais. Si j’avais été moins naïf j’en serais pas là je pense. Le type qui a faillit me tuer… c'est lui que j’ai tabassé… Et vous ? Vos mauvais souvenir ? Votre ex-mari je pense. Si ce n'est pas trop indiscret… » Si cela se trouve j’ai tout faux, mais c’est la seule explication que je vois. Je n’insisterai pas si tel est son souhait, mais je l’ecouterai avec attention si elle veut m’en parler. Elle est attentive depuis le début de la soirée. Je lui dois bien ça. Mais avant je lui demande si elle veut boire autre chose.

« Hélas… un kiné ne pourrait rien faire. Ce type avait entreprit de me taillader le dos. Les cicatrices me font souffrir parfois. Mais non, ce n’était pas de la défense. Je l’ai tabassé des années plus tard. En fait quand je l’ai vu devant la banque… je me suis souvenu de ma peur quand j’étais gosse et j’ai pété une pile… » Elle me parle alors de son ex-mari, de son ancienne vie avant de recommander un verre. Elle me dit alors que compte payer sinon…elle me tape ? Je la regarde sans vraiment y croire. C’est qu’elle se lâche. Une fois qu’elle est servit je l’accompagne en buvant une gorgée aussi. « En tout cas vous avez l’air de bien vous en être sortie. Vous avez une famille et tout…. »

« Voilà, c’est exactement ce que le juge a dit que c’était de la vengeance. Ma copine voulait qu’on fasse intervenir un psychiatre. Mais on avait pas les moyens. Elle aurait voulu faire jouer le côté traumatisme que j’avais vécu… enfin de toute façon elle s’est barrée ensuite… trois jours après mon incarcération… » Elle me parle alors un peu de sa nouvelle famille et la voir sourire comme ça, c’est agréable. « Je vous envie vous savez… avoir un enfant.. une famille… ça doit être agréable. J’aurais dû en avoir une. Mais elle n’avait pas le courage de m’attendre et… elle m’a dit qu’elle avait avortée. » C’est la première fois que j’en parle à quelqu'un. Je ne pensais pas que ce serait à une avocate. Mais bon c'est pas grave. Je l’apprécie assez pour ça.

« Je sais pas… j’ai un peu perdu fois en l’amour vous voyez. Ça fait 14 ans… je pense que si je devais retrouver quelqu’un ça serait fait. Enfin… je sais pas trop. » Je me laisse à m’imaginer en père de famille. Bon sang je sais même pas si j’en serais capable. « Puis… je vais bientôt avoir 40 ans. C'est un peu tard pour penser fonder une famille. En plus je ne sais même pas si j’en serais capable… enfin la question ne se pose même pas. Regardez-moi… videur ça gagne pas des masses. Je ne pourrais pas subvenir aux besoin d’une famille. » Je ne suis pas sûr que ce soit un bon argument pour tout le monde. Mais pour moi si. Encore je ne parle même pas des horaires de boulot. C'est pas vraiment le meilleur job pour trouver une femle qui cherche à fonder une famille. Pas que je n’en croise pas… mais elle ne s’intéresse pas aux homme comme moi.

« Je ne sais pas… j’ai l’impression que je suis pas prêt. Enfin de toute façon je peux rien faire… » Je vide mon verre avant de le reposer. J’hésite un instant à commander un autre whisky, mais je me retiens au dernier moment. Si je commence comme ça je vais pas m’en sortir. Alors je ne demande rien. « Mais ne parlons plus de mon hypothétique futur famille. Votre compagnon ? Il fait quoi dans la vie ? Si cela n’est pas trop indiscret… » Je me tourne un peu vers elle histoire de bouger un peu et pour lui montrer que maintenant c’est d’elle qu’on parle. Soulageant par la même occasion mon dos… faudrait peut-être que j’ai revoir un médecin quand même.

Je manque d’avaler ma salive de travers quand elle me dit qui est son compagnon. Mais plus sur le coup de la surprise qu’autre chose. Après tout ce n’est pas parce qu’il est chef de la police qu’il n’a pas le d’avoir une vie de famille comme tout le monde et la voir boire avec autant de gène me fait sourire. Jusqu'à ce qu’elle sorte une carte et me donne des numéros. Deux médecins dans sa famille. Je prend la carte, gêné à mon tour. « Merci, mais ça fait 23 ans que de temps en temps ça fait mal… ça ne dur jamais très longtemps… en plus vous avez déjà fait tellement pour moi aujourd'hui… je peux pas accepter ça en plus...et puis on parlait de votre famille là. Pas de mon dos. »

Je la regarde stupéfait comme elle me prend la carte des mains pour la ranger elle-même dans ma veste. Elle insiste pour que j’aille voir un médecin. « Oui maman… » Je me calle un peu plus en arrière contre le bar avec un air de défi. Je la provoque j’en suis conscient, mais c’est loin d’être méchamment. « Sérieusement… vous allez pas vérifier si j’y vais ou pas quand même ? Enfin… votre famille donc vous avez une belle-fille et un gendre médecin. Et les autres alors ? » Je me réinstalle correctement. Surveillant du coin de l’œil la salle. Même si pour l’instant tout semble calme. D’un geste je recommande un verre. Je ne veux pas abuser. Alors ce sera le dernier pour moi.

Je lui lance un sourire mutin comme elle me signale qu’elle est trop jeune pour être ma mère avant de reprendre en me parlant de sa famille. Je l’écoute attentivement. « Une sacrée famille que vous avez là. Mais au moins ça vous fait de l’animation aux repas. » Elle me dit que je sais tout sur sa famille et je dois dire que j’ai eu un peu de mal à suivre malgré tout. « Je vois que vous avez une famille très dévouée à la société. Vous devez en être très fière ? » J’attrape mon verre que me tend le barman et bois une gorgée. Je cherche comment continuer la conversation sans parler de moi. Il me vient alors comme une illumination. « Votre fils, il étudie quoi ? La médecine ? Le droit ? »

« Je ne sais pas. Je ne doute pas de l’amour de mes parents, mais je ne vois pas comment ils pourraient être fier de moi. » Je la regarde un peu vexé. Elle va réussir à me faire parler de moi. Elle prend tout de même la peine de me dire que son fils à commencer médecine. Je souris un peu comme elle me dit qu’il s’est prit une année sabbatique pour trouver sa voie. « Il a raison. Il est jeune. C’est maintenant qu’il doit se chercher, trouver sa voie pour être heureux. Qu’il profite… » Sauf qu’elle me coupe le sifflet en affirmant, à raison, que je cherche à dévier le sujet pour ne pas parler de moi. « Que voulez-vous que je vous dise sur moi ? Je n’ai pas une vie ou une famille aussi intéressante que la votre… je ne suis pas intéressant. »

J’avoue ne pas savoir quoi répondre. Est-ce que je connais seulement la réponse ? Est-ce que j’ai envie de reprendre contact avec eux ? « Je ne sais pas. Sincèrement. Ils me manquent c’est sûr, mais… mon frère était là au procès. Il savait où je serais incarcéré, il savait combien de temps… mais pas une seule fois il n’est venu. Pas même appelé. J’ai essayé, la première année. Je les appelés souvent. Pour les anniversaires et tout et… ils ont toujours rejetés mes appels… ils m’ont laissés tombé… » Et voilà encore une fois je me livre sans vraiment le vouloir. Enfin peut-être que j’en avais envie au fond de moi. Je reste un instant silencieux. Cherchant si je dois continuer ou pas. « Mon père est le propriétaire d’une petite épicerie dans la banlieue de Las Vegas. Enfin aux dernières nouvelles il ne l’a pas vendue. Ma mère travaillait comme femme de ménage dans un des casinos. J’espère pour eux qu’ils ont pu prendre leurs retraites… mon frère… la dernière fois que je lui ai parlé il était… juge… voyez l’ironie de la situation… »

« Vous avez jamais pensé à vous reconvertir en psy ? Vous seriez douée. » Je soupire un peu, dépité qu’elle est encore raison. Enfin je trouve. Seulement je ne peux pas y aller. Si je lâche mes boulots ici, les officieux, ça va vraiment être la galère. En plus si c'est pour me faire virer non merci. « Je peux pas… j’ai pas les moyens d’aller là-bas. Et encore moins de dormir dans un hôtel s’ils ne m’ouvrent pas. Et puis… non… j’ai pas le courage de le faire. Et imaginez s’ils m’ouvrent et me demandent de revenir… ma vie est ici, maintenant. Et ce n’est pas plus mal je pense. Ils ont un fils dont ils peuvent parler sans honte. Ils n’ont pas besoin de moi… »